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La scientifique

Très tôt j’ai été sûre de suivre une voie scientifique. La Science, principalement les sciences dites naturelles, me fascinait. Mon premier souhait professionnel a surpris mon petit monde familial. Je devrais avoir cinq ou six ans et je circulais avec mes livres et albums d’images de dinosaures partout où j’allais (grâce à ma mère, j’ai appris à lire très tôt). Ma mère, avec des amis de la famille, m’a posé la question classique « Marcinha, que veux-tu être quand tu seras grande ? ». La réponse a fusé, immédiate, venant du fond du cœur : « Paléontologue ! ». Surprise !!! Bien, la voie était clairement définie, tracée, ne laissant pas de place au doute. Avec le temps, mes centres d’intérêt ont un peu changé et après la classique phase du dinosaure (un peu précoce, certes) j’ai atteint la non moins classique phase de l’archéologie (dite aussi phase de la momie), puis de la paléoantropologie (ou le retour aux vieux os) pour atterrir peu avant le concours d’entrée à l’université en plein dans l’océanographie. Cette dernière passion a un peu surpris tout le monde. J’avais des intérêts très variés, de la physique à la biologie en passant par l’histoire, mais je pense que, secrètement, toute ma famille espérait que, lors du concours d’entrée à la fac (très difficile au Brésil), j’allais me tourner vers un métier plus sérieux : l’indéfectible école d’ingénieur ou alors des études de médecine ! Tout le monde l’espérait, car il est vrai que j’aurai pu rejoindre ces formations. Il y a même eu une cellule de crise familiale. « Mais que fait-elle ? Est-elle folle ? Une si bonne ingénieure… » Rien à faire. J’ai donc rejoint le cursus d’océanographie, récemment crée à l’Université de l’Etat de Rio de Janeiro mais, comme c’était un cursus nouveau, j’ai également rejoint le cursus de Sciences Biologiques, à l’Université Fédérale de Rio de Janeiro (par précaution). Peu de temps après je quittais la biologie pour la physique. Les drosophiles des TPs de génétique ont eu le dernier mot : soit je les tuais avec l’éther, soit elles se réveillaient en plein comptage et c’était le désastre ! Je ne serai donc pas biologiste spécialisé dans les mammifères marins (c’était la phase du dauphin). En physique les TPs étaient moins hasardeux et la Nature ne s’acharnait pas contre moi. Mais bon, je dois dire que les expériences avec les courants électriques ne m’intéressaient pas trop. A l’époque, à la fac d’océanographie, je découvrais la géologie, les sciences de la Terre. Et ce fut le déclic.

Au Brésil, à l’époque, l’enseignement au collège et au lycée n’incluait pas les sciences de la Terre. Cette discipline était très vaguement mentionnée lors de cours de géographie. Je connaissais un peu de géologie à cause de mes anciennes passions d’enfance, mais à l’époque j’étais (déjà) très attirée par la mer. La conjonction de la géologie, de la physique et de la mer a donné très tôt la Géophysique Marine, au sens large. Ma voie était trouvée. Puis ce fut le MSc, puis le doctorat, l’entré au CNRS dans le Laboratoire Géologie Marine, l’HDR… Et la nave va…

J’ai toujours su que j’avais besoin de suivre une voie créatrice. Tout comme l’Art, la Science ne peut se développer sans créativité et inventivité. Il faut penser nouveau, oser questionner des idées et changer des paradigmes. Il faut aussi pouvoir prendre des risques, changer de centres d’intérêt de temps à autre. Sans ça, j’aurai étouffée, je crois. Les bouffées d’air frais reçues lors des échanges avec collègues, lors des congrès et, plus que tout, lors des campagnes à la mer (parfois un peu trop fortes et trop fraîches !) sont un besoin vital.